5 juin 2017

Révolution!


"C'est un mot piège.
C'est le nom que s'est donné la grande crise de la fin du dix-huitième siècle. Mais est-ce la crise que nous voulons ou bien ses résultats? La révolution a fait passer la France du gouvernement d'un roi débonnaire à la tyrannie d'un empereur guerrier."

L'art de trahir, Casamayor, Gallimard, Paris, 1972.


20 mai 2017

Il est l'or


"L'or? Pourquoi a-t-il tant de valeur, ou plutôt pourquoi lui en a-t-on tant donné? Car c'est un don que la croyance humaine a fait à ce métal moins utile que le fer, le bronze, l'aluminium ou le titane. C'est aussi un don que la croyance a fait à ce symbole, moins fécond que celui du travail, du progrès, de la connaissance, de l'amour. La rareté relative n'est pas la mesure du prix. C'est le pain qui est précieux à l'affamé, c'est l'eau qui est précieuse à celui qui meurt de soif, la ligature à celui qui perd son sang, la poignée de main à l'intouchable. Ils n'ont que faire de l'or."

L'art de trahir, Casamayor, Gallimard, Paris, 1972.

6 mai 2017

Le grand sur place


« Se vogliamo che tutto rimanga come è, bisogna che tutto cambi » susurrait Trancredi à son oncle, dans le Guépard. 

On imagine bien d'ailleurs la scène se tenir rue de Solférino,  entre le neveu politique, codicille du locataire du château, et ce dernier. Il fallait toutefois, pour que le plan soit complet, trouver un pantin, un leurre qui fasse office de papier attrape-mouche, destiné à entraver toute alternative véritable. Le gentil gendre idéal fût donc trouvé pour faire son petit numéro de caniche et vite disparaître à la niche. La recette sera complète, si, avec un peu de bol, on se retrouvait avec le repoussoir de service en finale. Bingo! Et bravo, car la carambouille est magistrale.

Quant à l'héritière parachutée, par-delà le concert de couineries des bien pensants, appelés avec régularité à ressortir leurs litanies, sitôt rangées dès qu'il s'agit de produire le carburant de son ascension,  il est évident qu'elle assume son statut de seul répulsif. Rien n'indique chez elle une quelconque sérieuse volonté de prendre les manettes,  houspiller le système pour mieux le conforter, voilà tout. Tout juste parvient-elle à mettre sous le tapis les gudars et assimilés, qui n'attendent eux, que le moment venu pour déclencher leur nuit des longs canifs...

Nous voici exactement rendus à ce point de "sur place". La sentence est pré-rédigée : 5  ans de sursis avec mise à l'épreuve.

8 avril 2017

Des magasins généraux à la réclame


Voilà. Les promoteurs et leur clique ont tout lifté sur les bords du canal de l'Ourcq. Enfin presque. Rassurons-nous. Mais pour ce qui est des magasins généraux de Pantin, ils ont été méchamment botoxés. D'ailleurs j'ai observé qu'on ne disait plus "magasins généraux" mais BETC, du nom de la boîte de pubeux qui a mis la main sur le paquebot. Le lifting s'étendrait donc jusqu'au nom du bazar. C'est le moment opportun pour sortir des archives les clichés des lieux que j'ai fait ces 10 dernières années. Allons-y, ça nous fera une petite série à nous mettre sous la dent.

7 mars 2017

Confiture douceâtre


"Ils se croyaient sages, ils se croyaient stables, ils se croyaient heureux. Ils étaient capables des plus fortes colères, des plus violents courages pour défendre contre tous les changements, toutes les forces la sagesse, la stabilité, le bonheur de leur petite vie exigeante. Ils pensaient avec une haine profonde aux révolutions, aux ouvriers qui les feront. C'étaient des hommes qui aimaient les gendarmes. Et Antoine vivait parmi eux, il était l'un d'eux; mois après mois, il s'enfonçait dans cette confiture douceâtre d'habitudes, il s'endormait, il ne pensait plus guère à ses échecs, à ses anciens rêves, à ses anciennes colères, peut-être se croyait-il comme ses voisins sages, stables et heureux."

Paul Nizan, Antoine Bloyé, Grasset, Paris.

21 février 2017

Notre Dame des Buttes


"- C'est vrai, c'qu'i dit, fit un homme sans remuer la tête dans sa gangue. Quand j'sui' été en permission, j'ai vu qu'j'avais oublié bien des choses de ma vie d'avant. Y a des lettres de moi que j'ai relues comme si c'était un livre que j'ouvrais. Et pourtant, malgré ça, j'ai oublié aussi ma souffrance de la guerre. On est des machines à oublier. Les hommes, c'est des choses qui pensent un peu, et qui, surtout, oublient. Voilà ce qu'on est. 
- Ni les autres, ni nous, alors! Tant de malheur est perdu!
Cette perspective vint s'ajouter à la déchéance de ces créatures comme la nouvelle d'un désastre plus grand, les abaisser encore sur leur grève de déluge.
- Ah! Si on se rappelait. S'écria l'un d'eux.
- Si on se rappelait, dit l'autre, y aurait plus d'guerre!
Un troisième ajouta magnifiquement:
- Oui, si on s'rappelait, la guerre serai moins inutile qu'elle ne l'est.
Mais tout d'un coup, un des survivants couchés se dressa à genoux, secoua ses bras boueux et d'où tombait la boue et, noir comme une grande chauve-souris engluée, il cria sourdement: 
- Il ne faut plus qu'il y ait de guerre après celle-ci!"

Henri Barbusse, Le feu, Flammarion, 1965.

3 février 2017

Rame sous tension


"Comment ne pas mentionner ce paradoxe qui a voulu que ce soit sous le gouvernement de la gauche qu'ont été revalorisée l'entreprise, le marché, le champ international, que ce soit durant cette même période que les salaires et le pouvoir d'achat ont baissé tandis que la bourse ne cessait de monter?" (Michel Rocard, Forum de l'Expansion, 3 octobre 1985) Le paradoxe ne consiste-t-il pas plutôt à donner un label de gauche à une œuvre qui, de l'aveu même des auteurs, n'a pour tout critère de comparaison que les échecs de la droite?"

La deuxième droite, JP Garnier et L Janover, Contre-feux Agone, Marseille, 2013. Première édition Robert Laffont, 1986.

2 février 2017

Choisy le plein


"L'Américain moyen consacre plus de mille six cents heures par an à sa voiture. Il y est assis, qu'elle soit en marche ou à l'arrêt; il la gare ou cherche à le faire; il travaille pour payer le premier versement comptant ou les traites mensuelles, l'essence, les péages, l'assurance, les impôts et les contraventions. De ses seize heures de veille chaque jour, il en donne quatre à sa voiture, qu'il l'utilise ou qu'il gagne les moyens de le faire. Ce chiffre ne comprend même pas le temps absorbé par des activités secondaires imposées par la circulation: le temps passé à l'hôpital, au tribunal ou au garage, le temps passé à étudier la publicité automobile ou à recueillir des conseils pour acheter la prochaine fois une meilleure bagnole. Presque partout on constate que le coût total des accidents de la route et celui des universités sont du même ordre et qu'ils croissent avec le produit social. Mais, plus révélatrice encore, est l'exigence de temps qui s'y ajoute. S'il exerce une activité professionnelle, l'Américain moyen dépense mille six cents heures chaque année pour parcourir dix mille kilomètres; cela représente à peine 6 kilomètres à l'heure. Dans un pays dépourvu d'industrie de la circulation, les gens atteignent la même vitesse, mais ils vont où ils veulent à pied, en y consacrant non plus 28 %, mais seulement 3 à 8 % du budget-temps social. Sur ce point, la différence entre les pays riches et les pays pauvres ne tient pas à ce que la majorité franchit plus de kilomètres en une heure de son existence, mais à ce que plus d'heures sont dévolues à consommer de fortes doses d'énergie conditionnées et inégalement réparties par l'industrie de la circulation" 

Ivan Illich, Énergie et équité, Paris, Seuil, 1973. 

24 janvier 2017

La pieuvre énergétique


"Une politique de basse consommation énergétique permet une grande variété de modes de vie de cultures. La technique moderne peut être économe en matière d'énergie, elle laisse la porte ouverte à différentes options politiques. Si, au contraire, une société se prononce pour une forte consommation d'énergie, alors elle sera obligatoirement dominée dans sa structure par la technocratie et, sous l'étiquette capitaliste ou socialiste, cela deviendra pareillement intolérable."

Ivan Illich, Énergie et équité, Paris, Seuil, 1973.